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Lara JoVentre
7 mai 2010

L'intervention de Jean-Pierre Brard à l'Assemblée nationale

le 3 mai au nom du groupe des députés communistes, républicains et du parti de gauche.
Je voudrais commencer par deux citations. La première est de Jaurès, que je ne fais pas que citer, mais que je lis, à la différence du Président de la République : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ». Madame la ministre, vous avez péché par omission. Vous n’avez pas dit toute la vérité.
La seconde citation est de Jean-Pierre Vernant, brillantissime helléniste et grand résistant, mort récemment, qui a dit : « Le vrai courage, c’est, au-dedans de soi, de ne pas céder, ne pas plier, ne pas renoncer, être le grain de sable que les plus lourds engins, écrasant tout sur leur passage, ne réussissent pas à briser. » Or, vous, vous n’avez pas résisté. Vous avez plié. Vous avez renoncé, parce que vous n’aviez pas envie de résister. Nous reviendrons sur tout cela au cours du débat, madame et monsieur les ministres.
La crise actuelle est le dernier épisode en date de la crise financière mondiale. La crise des subprimes apparaîtra
bientôt comme anecdotique. Les spéculateurs n’attaquent plus une monnaie, ils attaquent un État, avant le
prochain épisode, qui s’appellera Portugal, Irlande, Espagne. Et à quand le tour de la France ? Et peu importe la
monnaie dans laquelle les spéculateurs récupèrent les profits de leurs turpitudes.
Cette crise est grave : c’est la crise d’un système, de votre système. D’un système à bout de souffle ! Sauver la
Grèce, dites-vous ? Non, sauver les créanciers de la Grèce sans qu’ils n’aient à contribuer au financement de leurs
propres turpitudes. Leurs noms : Société générale, Crédit agricole, BNP, Deutsche Bank, Hypobank, Crédit suisse.
Et il y en a dont on ne parle pas : ce sont les fabricants d’armes allemands et français, qui ont des créances très
importantes. Nous y reviendrons, mais vous êtes parfaitement au courant, madame Lagarde, je n’en doute pas :
rien d’important ne saurait vous échapper.
« Jamais, dans une cité, les lois n’auraient la force qui convient, si elles n’étaient pas maintenues par la peur »,
disait Sophocle. Oui, madame la ministre, je vous accuse de gouverner par la peur et de ne pas dire la vérité ; je
vous accuse, vous et votre gouvernement, d’avoir attendu qu’il y ait urgence, pour exploiter cette urgence avec vos
collègues des autres États – Jérôme Cahuzac l’a d’ailleurs dit tout à l’heure.
Depuis la fin de l’année 2009, tous les analystes économiques s’inquiètent de la situation grecque. Depuis plus de
cinq mois, tous les spécialistes ont attiré l’attention des gouvernements sur les risques que faisait peser sur l’économie
mondiale le niveau de la dette grecque. Pourtant, vous avez attendu le mois de mai pour nous présenter – en
urgence – un plan d’aide à notre partenaire européen.
Est-ce de l’incompétence en matière économique, ou cela relève-t-il du calcul politique ? Madame la ministre, je
ne dis pas cela par complaisance, mais je ne vous crois vraiment pas incompétente. (Sourires.) Vous faites d’autres
choix que les nôtres, on le voit bien, mais vous êtes cohérente.
Entre le mois de novembre 2009 et aujourd’hui, vous avez laissé les spéculateurs poursuivre leur course folle et
réaliser des bénéfices indécents – sur le dos, bien sûr, de la population grecque. Les spéculateurs et les marchés
vous fascinent, madame Lagarde, on l’a déjà vu ; vous n’imaginez pas le monde sans eux.
Vous avez aussi laissé se développer un sentiment de panique, renforcé par l’utilisation d’un jargon incompréhensible
du commun des mortels : des credit default swaps – c’est comme cela que l’on dit, madame la ministre ? –
aux ventes à découvert, en passant par le rôle des agences de notation, des montages financiers complexes aux défaillances structurelles de la zone euro, vous enfumez les esprits pour pouvoir expliquer que le Gouvernement
contrôle la situation et qu’il suffit de vous faire confiance.
Eh bien, nous ne vous faisons pas confiance ! Nous ne faisons confiance ni à vous, ni au Gouvernement, ni aux
dirigeants actuels de l’Union européenne, ni au Fonds monétaire international. La complexité de la situation vous
sert à occulter le fait que ces crises économiques ne sont pas si difficiles à comprendre lorsqu’on se demande qui
en profite, et qui en paie la note.
En ce qui concerne la crise financière internationale, tout le monde a compris aujourd’hui que les pratiques spéculatives
des banques et le système du casino financier mondial ont très largement contribué à précipiter les économies
réelles dans la récession. Ceux qui s’étaient engraissés pendant des années en spéculant sur les dettes immobilières
des particuliers – les fameuses subprimes – ont pu renouer très rapidement avec ces bénéfices, grâce à
l’intervention de l’argent public. Mais ceux qui n’étaient pas responsables de la crise continuent aujourd’hui d’en
payer la facture : pour notre seul pays, plus de 600 000 emplois ont été détruits, et le plan de relance – rendu
nécessaire par l’irresponsabilité des banques, ou leur cupidité, je vous en laisse juge – est la cause principale d’un
déficit record d’environ 150 milliards d’euros pour 2010.
En ce qui concerne la crise grecque actuelle, il faut comprendre qu’elle s’inscrit dans la droite ligne de la crise
financière mondiale. Si tous les pays européens, si toutes les économies réelles subissent aujourd’hui les conséquences
de la crise financière, l’économie grecque a été tout particulièrement touchée. Certes, le ralentissement de
l’économie mondiale a eu de graves conséquences pour les deux piliers de l’économie grecque : le tourisme et le
commerce maritime. Mais la raison fondamentale est le rôle joué par les établissements financiers, en particulier
par Goldman Sachs, fort légitimement stigmatisé par le Président de la République – mais s’il a vu l’arbre de
Goldman Sachs, le Président de la République n’a pas vu la forêt : la Société générale, la BNP, le Crédit agricole,
pour les établissements français, ou encore le Crédit suisse, que je cite à nouveau : dans cette affaire, il va tirer les
marrons du feu sans même que la Confédération helvétique soit mise à contribution.
En clair, après avoir spéculé sur les difficultés financières des familles américaines surendettées, les établissements
financiers se sont rabattus sur la dette des États, en particulier celle de la Grèce. Ils ont ainsi franchi une étape
nouvelle. Comme l’aurait dit un ancêtre auquel je fais souvent référence et avec lequel vous êtes en train de vous
familiariser, madame Lagarde, il y a une sorte de bond qualitatif – c’est un bond qualitatif vers le pire ! La crise
grecque n’est que le premier avatar d’une nouvelle forme, gravissime, de la crise. C’est une menace pour tous les
peuples, aggravée par les gouvernements qui – par absence de volonté politique de s’y opposer – relaient les intérêts
des spéculateurs.
Le casino est reparti. Si la cible a changé, les conséquences seront encore plus désastreuses pour la grande majorité
d’entre nous. Les réponses proposées par le Gouvernement sont encore plus injustes aujourd’hui qu’il y a un
an. L’avenir du peuple grec ne compte pour rien dans vos calculs, et votre cynisme ne connaît plus aucune limite.
On a entendu s’exprimer la compassion pour les Grecs, mais votre plan n’est pas un plan de solidarité avec les
Grecs, avec l’État grec, avec le peuple grec ; c’est un plan de solidarité avec les créanciers de l’État grec, ce qui
est, vous en conviendrez, plus qu’une nuance.
Comparons brièvement le plan de sauvetage des banques des années 2008 et 2009 avec celui que vous soumettez
aujourd’hui à l’Assemblée nationale, et que vous osez qualifier de plan de « solidarité nationale avec la Grèce ».
En réalité, c’est tout le contraire, et vous l’avez-vous-même confirmé, madame la ministre, en vous vantant du fait
que les intérêts gagnés par la France s’élèveraient à 160 millions d’euros.
J’imagine, madame Lagarde, le petit paysan grec ramassant des olives, que vous allez presser encore davantage
pour lui faire rendre quelques centimes d’euros qui iront dans la poche des actionnaires de la BNP ou de quelques
autres ! C’est immoral ! C’est insupportable, de s’enrichir ainsi du travail et de la misère de ces pauvres gens –
car je n’ai pas entendu dire que ce sont les armateurs descendant d’Onassis qui vont payer la note. Vous souriez,
madame la ministre, et vous avez même l’air de croire ce que vous dites. Que vous êtes candide ! Que vous êtes
naïve ! Depuis quand, sous l’empire de vos régimes, avez-vous vu les riches mis à contribution ? Ils mettent les
pauvres à contribution pour s’enrichir, oui, mais dès lors que vous exercez le pouvoir cela ne va jamais dans
l’autre sens.
Lors de la crise financière, la France n’a pas hésité à mettre sur la table, dans les conditions qui ont été rappelées
tout à l’heure, près de 350 milliards d’euros pour sauver les banques de la faillite ; et au niveau européen, c’était 3
600 milliards d’euros ! Aujourd’hui, l’Union européenne consent, dans sa grande magnanimité, à prêter la bagatelle
de 30 milliards d’euros – un peu plus maintenant, si on se rapporte à la durée que vous évoquez – à notre ami
grec, au nom de la solidarité, bien sûr.
Madame Lagarde, monsieur Baroin, je n’évoquerai pas ici les 50 milliards d’euros de réparations dues par l’Allemagne
à la Grèce. Comme vous le savez, il y a un accord entre ces deux pays pour le paiement des réparations
après la guerre : cet accord prévoyait que les réparations devaient être payées après la réunification. Malgré les
relances des victimes du nazisme, malgré les relances du gouvernement grec, l’Allemagne ne s’est toujours pas
acquittée de sa dette, qui représente aujourd’hui 50 milliards d’euros. Pourquoi n’en parlez-vous pas avec Mme
Merkel ? Mme Merkel, sans doute parce qu’elle est fille de pasteur, fait volontiers la morale à la terre entière.
Mais pourquoi donc n’honore-t-elle pas ses dettes avant de critiquer les autres ? Compte tenu du fondement de
cette dette, on ne le répétera jamais trop, c’est une question de morale. Cette dette a été payée à la France, pourquoi
ne le serait-elle pas à la Grèce ?
C’est une bonne référence : la Russie assume effectivement les engagements de l’Union soviétique, car il y a une
continuité des États malgré les événements qui marquent les histoires nationales. C’est une règle internationale
intangible, ne vous en déplaise !
Monsieur Chartier, ce n’est pas parce que vous conservez, dans les paires de draps de votre grand-mère, quelques
titres d’emprunts russes que vous n’avez pas réussi à vous faire rembourser, que vous allez nous faire sortir les
mouchoirs de la poche ! J’espère que vous avez d’autres titres, et en particulier des titres de gloire : cela vaut
toujours mieux que les actions qui se développent au détriment de ceux qui les font prospérer dans les entreprises.
L’aide à la Grèce rapportera 160 millions d’euros à la France, environ 240 millions à l’Allemagne, et près de 700
millions d’euros à l’ensemble des pays prêteurs. De la solidarité, ça ? Non ! C’est de l’usure au petit pied !
Vous êtes âpres, inexorables. Prenons-en pour preuve les contreparties exigées de ceux à qui vous prêtez, les
banques en 2008-2009, le peuple grec maintenant. Faisons la comparaison.
Votre gouvernement n’a exigé aucune contrepartie sérieuse des banques qu’il a renflouées ; il n’a exigé aucun
contrôle, aucune participation au capital de ces banques. Quant à la moralisation du capitalisme – comme si ces
deux termes n’étaient pas par essence contradictoires – promise par le Président de la République dans son
fameux discours de Toulon, sans doute dans un moment d’égarement, l’avez-vous vue arriver ? Avez-vous vu une
régulation de la finance internationale ? La crise actuelle montre, avec éclat, que ces paroles n’étaient que fari -
boles.
En revanche, lorsqu’il s’agit de prêter quelques sous à la Grèce, la France, l’Europe et le FMI s’acharnent contre
son peuple en exigeant un plan d’austérité d’une ampleur sans précédent. Les « partenaires » européens de la
Grèce, si l’on peut ainsi les qualifier, exigent une baisse de 15 % des salaires dans les secteurs public et privé, un
relèvement de l’âge de la retraite à soixante-sept ans, une baisse des pensions, des milliers, voire des centaines de
milliers de suppressions d’emplois dans le secteur public, l’abolition des conventions collectives, la remise en
cause de toute restriction légale à la suppression d’emplois dans le secteur privé, sans parler des privatisations et
des nombreuses coupes dans les budgets de la santé, de l’éducation ou de la recherche. N’a-t-on pas même entendu
parler ce matin d’une exigence de privatisation des transports publics ?
Pour vous, le principal est ailleurs. Le plan européen concernant la Grèce a, lui aussi, pour but de garantir les
bénéfices des banques et des marchands d’armes. Les banques françaises détiennent en effet plus de 50 milliards
d’euros d’obligations de l’État grec et les établissements bancaires allemands en possèdent pour près de 30
milliards d’euros. Venir en aide à la Grèce, dites-vous ? Non, il s’agit de garantir que les banques seront remboursées
de leurs prêts sans avoir à mettre la main à la poche !
Que se passerait-il sinon, nous dit-on ? Mais quels sont les plus apeurés lorsque survient un sinistre ? Ce sont ceux
qui ont prêté l’argent ! Si un accident survenait, alors les conditions politiques, surtout sous la pression d’États
volontaristes, existeraient pour que les banquiers soient contraints de mettre la main à la poche, alors qu’ils ont
très largement profité de la fragilité grecque en exigeant, vous le savez comme moi, des taux d’intérêt particulière -
ment élevés.
La responsabilité des gouvernements grecs successifs, particulièrement pointée du doigt par nos amis d’outre-
Rhin, est réelle. Rassurez-vous, mes chers collègues, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine
ne vont pas vanter les mérites de la classe dirigeante grecque. Tout comme en France, celle-ci a abandonné
aux marchés financiers le pouvoir dont elle a été démocratiquement investie par la population. Cela justifie-t-il
pour autant un acharnement moralisateur, nourri parfois de chauvinisme et de préjugés nationaux ?
Je vous rappelle, mes chers collègues, que le maquillage des comptes publics grecs n’est pas une nouveauté.
Depuis l’année 2004, au moins, l’Institut européen de statistiques, Eurostat, a attiré l’attention sur l’existence de
ces pratiques. Jusqu’à aujourd’hui, cela n’a dérangé personne parce que toutes les grandes banques européennes
et américaines ont tiré profit du surendettement grec. Cela n’a pas dérangé l’économie allemande parce que ces
crédits ont servi à financer ses exportations.
D’ailleurs, madame la ministre, monsieur le ministre, quand on y regarde bien, on voit toujours le même phénomène.
Certains ont fait semblant de découvrir les subprimes, en 2008. En réalité, le danger était dénoncé bien
avant, y compris par des diplomates français qui écrivaient des notes au Gouvernement français, notes qui n’ont
peut-être jamais été lues.
Rappelez-vous l’affaire Kerviel ! Les turpitudes de Kerviel ne gênaient personne tant que cela permettait à la
Société générale de gagner. Mais le jour où on constate une contre-performance, malheur aux pelés et aux galeux !
Il en va de même pour la Grèce : ce qui s’ y est passé était connu – je viens de le rappeler – grâce à Eurostat, mais,
à ce moment-là, personne n’a protesté dans les hautes instances.
J’en reviens à l’acharnement de nos amis allemands, et en particulier de la droite au pouvoir. Il ne s’explique pas
tant par des considérations d’ordre économique ou monétaire. Cet acharnement – cette arrogance parfois – repose
sur un calcul électoral, et même, quand il s’agit de M. Westerwelle, sur le populisme, pour faire prospérer son
électorat sur des bases, il faut le dire, un peu nauséabondes. J’en reste là pour ne pas évoquer le passé.
Parce que la droite allemande risque de perdre le Land le plus peuplé du pays, elle a voulu jouer sur un sentiment
national, celui de la fierté, sans doute légitime, lié au souvenir d’une monnaie forte et d’une gestion économique
plutôt efficace.
Mais le peuple allemand lui-même, qui a produit tant de grands esprits, n’est pas dupe. Il y a quelques jours, un
sondage a montré que près des deux tiers des Allemands souhaitaient que les banques soient mises à contribution
pour le sauvetage des finances publiques grecques. Vous reconnaîtrez avec moi que les Allemands sont fort sages,
plus sages que leur Chancelière, qui mérite effectivement de perdre les élections dimanche prochain puisque, si les
Allemands traduisent dans leur bulletin de vote les convictions exprimées dans les sondages, cela ne correspondra
pas à la ligne de la Chancelière.
N’est-ce pas du cynisme et de la soumission que d’associer les banques non pas au sauvetage des finances
grecques, mais aux profits que ce sauvetage rapportera à certains États ? Or, je le répète, les fonds levés pour «
aider » les Grecs seront levés sur les marchés financiers. Les banques prêtent aux États qui, eux, prêtent à la
Grèce. Les banques et les États y gagnent tandis que le peuple grec paie de ses droits sociaux.
N’est-ce pas du cynisme que d’offrir un crédit à une personne qui se trouve, pour évoquer un projet de loi récent,
en situation de surendettement, précisément parce que les crédits précédemment vendus ont été beaucoup trop
chers ? En effet, comme dans le cas des personnes privées qui se retrouvent avec une dette colossale parce que les
taux d’intérêt pratiqués par les banques sont tellement élevés qu’ils déclenchent le cercle vicieux de l’endettement,
l’État grec a lui aussi subi les appétits insatiables des usuriers de la finance mondiale.
N’est-ce pas du cynisme que de se cacher derrière les dispositions juridiques du traité de Lisbonne pour pouvoir
profiter des remboursements grecs ? Certes, le traité de Lisbonne interdit à la BCE de prêter directement aux États
de la zone euro, alors que cela avait été possible pour venir en aide à la Lettonie ou à la Roumanie.
Reconnaissez, madame la ministre, que c’est un mauvais traité. On juge de la valeur du traité non pas par les
bâtons qu’il vous met dans les roues, mais plutôt par les facilités qu’il vous offre pour sortir des difficultés. On a
trouvé que ce traité était bon pour la Lettonie et la Roumanie, mais les contraintes qu’il impose beurrent la tartine
des marchés financiers, alors que la Banque centrale est là et devrait jouer ce rôle que vous lui refusez.
Quand un outil n’est pas adapté, c’est simple, il faut en changer ! Le traité de Lisbonne n’est pas bon, renégo -
ciez-le ! Je vous rappelle le sort que le peuple français lui avait réservé. Ce n’est que parce que la démocratie a été
piétinée que ce traité peut aujourd’hui s’appliquer, il faut le rappeler. C’est un mauvais traité, qui assujettit l’Europe
à la domination des marchés financiers et empêche de construire une Europe solidaire et respectueuse des
aspirations des peuples. Non ! Le juridisme vous sert de bouclier ! Il vous sert de cache-sexe des intérêts que vous
défendez.
Qui, à part les banques et les États, profiteront de votre « plan d’aide » ? Les Grecs certainement pas ! En imposant
au peuple grec un plan d’austérité comme on n’en a jamais vu, en démantelant la fonction et les services
publics, en détruisant le système de sécurité sociale et en vidant le droit du travail de sa substance, vous allez
aggraver la concurrence déloyale au sein du marché de l’Union européenne et, surtout, vous préparez tous ces
secteurs potentiellement lucratifs – la santé, l’éducation, les retraites – aux appétits des grands groupes privés.
Mais n’est-ce pas le même sort que vous préparez pour les retraites chez nous, avant – si, par, malheur pour notre
peuple, Sa Majesté était réélue en 2012 – que le même sort ne soit réservé à la sécurité sociale !
Il ne faut pas ignorer l’histoire du peuple grec. Le peuple grec a une vieille, une belle histoire. Et comme le peuple
français, il a parfois des émotions. Vous êtes en train de pousser le peuple grec à la révolte. Vous ne parlez, pour
l’instant, que de son gouvernement. Imaginez ce qui se passerait s’il y avait dimanche prochain des élections ! Le
gouvernement grec passerait par la fenêtre !
Ce qui ne se fera pas par des élections, avec la purge que vous voulez imposer au peuple grec, peut se passer dans
la rue, parce que vous avez la même démarche que le FMI avec les pays d’Afrique ou d’ailleurs. C’est une politique
néocoloniale, nous y reviendrons au cours de la discussion.
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous verrez les constantes de la politique française et allemande vis-àvis
de la Grèce depuis presque deux siècles. Si l’on établit une comparaison, à un siècle de distance, on voit que
les mêmes banquiers – la Société générale, le Crédit lyonnais et l’ancêtre de la BNP, le Comptoir national d’escompte
– étaient déjà à Athènes et assujettissaient déjà le peuple grec. On trouve cela dans l’ouvrage La politique
impériale de la France – si l’on utilise un adjectif plus contemporain, cela signifie la politique impérialiste. Mais
c’est en fait une politique néocoloniale du nord de l’Europe vers le sud.
Ce n’est pas nouveau, c’est une constante. C’est ainsi que vous comptez construire une Europe de la solidarité, une
Europe de la fraternité, en assujettissant, en humiliant un grand peuple comme le peuple grec, auquel nous devons
tant dans notre histoire ! C’est une faute politique majeure et nous serons solidaires des révoltes du peuple grec. Je
ne doute pas qu’il y aura des axes de solidarité entre tous ceux qui rejetteront cette injustice que vous voulez leur
imposer pour essayer de mieux faire prospérer les dividendes des actionnaires, des banquiers.
Mais souvenez-vous, mes chers collègues, de cet aphorisme d’Étienne de La Boétie : « Ils ne sont grands que parce
que nous sommes à genoux. ». Notre peuple, pas plus que le peuple grec, n’a vocation à vivre à genoux. Malheur à
ceux qui veulent lui imposer cette posture !
Mes chers collègues, parce que vous avez l’occasion de vous lever au nom de tous ceux que vous représentez dans
cet hémicycle, parce que ce n’est pas la Grèce qui a une dette envers nous, mais parce que c’est toute l’Europe qui
a une dette envers le peuple grec, je vous demande, en votre âme et conscience, de réfléchir. Pensez à notre histoire
! Pensez aux ponts qui se sont établis entre nous dans les moments les plus difficiles de notre histoire ! À ce
moment-là, vous ferez le bon choix en votant cette motion de renvoi en commission, parce qu’il y a d’autres solutions
que ce qui nous est proposé.
Si, d’aventure, la motion que je viens de défendre n’était pas adoptée, nous développerions nos propositions tout
au long de la discussion. Nous ferons la démonstration que la piste que vous avez empruntée est unilatérale. Elle
va toujours dans le même sens, à savoir abonder les ressources de ceux qui ne vivent que du malheur des autres.
"Alors qu’elles (les banques)  se refinancent sur les marchés au taux directeur de la BCE – autour de 1 % -, elles vont prêter à
l’Etat français à près de 3 %, lequel prêtera à la Grèce au taux prohibitif de 5 %."

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Lara JoVentre
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