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Lara JoVentre
17 décembre 2009

Argent public

A Hendaye, 70% des expulsés avaient leur billet retour

ARGENT PUBLIC - Tenir les quotas n’a pas de prix. Qu’importe que les expulsés aient déjà un billet en poche, puisque pour faire vrombir les chiffres, c’est le contribuable qui va en racheter un. A La frontière Espagnole, la Cimade d’Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) observe avec consternation se multiplier les arrestations et reconduites de personnes interceptées alors qu’elles rentraient précisément chez elles. «Nous avons le cas toutes les semaines, pointe Laurence Hardouin, avocate et présidente du groupe local Bayonnais. Aujourd’hui, 70% des expulsés sont des gens qui de toute façon ne faisaient que passer».

Touristes mal informés, immigrés en transit, régularisés dans les pays voisins. Ce sont les Maghrébins contrôlés directement dans les bus ou les trains qui les ramènent au Maroc. Ce sont les Africains qui atterrissent a Madrid pour payer moins cher. Ou les nombreux Brésiliens qui font pareil via le Portugal. «Ils n’ont pas besoin de visa, explique maître Hardouin, il leur suffit de faire tamponner leur passeport à l’entrée sur le territoire. Mais souvent ils ne le savent pas. Et ils se font arrêter au moment du départ, quand ils retournent prendre l’avion, avec tous leurs bagages, et leur place réservée». Donc non seulement les voyageurs ratent leur vol, dont ils ne pourront pas être remboursés. Mais en plus, c’est l’Etat qui surenchérit. Rachète un aller simple pour le contrevenant. Plus les aller-retour pour les trois policiers chargés de jouer les chaperons. Soit au total sept billets. Pour rien. Aux frais de la princesse.

Cela donne des situations totalement ubuesques. Comme ce prêtre Cap Verdien vivant depuis 13 ans au Portugal, parfaitement en règle, mais dont le titre de séjour était en cours de renouvellement, et qui au retour d’une retraite à Paris avec sa congrégation a dû passer cinq jours en rétention. Ou bien ce Marocain interpellé alors qu’il rentrait enterrer sa mère dans son village natal. Ou encore cette inspectrice des douanes Congolaise, mère d’enfants en bas âge à Brazzaville, et qui profitait d’une visite à sa sœur française, pour se rendre en pèlerinage à Lourdes. Elle a été arrêtée dans le train. Son visa venait d’expirer, elle reprenait l’avion quelques jours plus tard. Qu’à cela ne tienne, elle a eu droit au tribunal, au centre de rétention, et à un retour sous bonne escorte.

«Chaque reconduite est estimée entre 15.000 et 20.000 euros», pointe l’avocate. «Sans compter le traumatisme que ça représente. La fouille, l’enfermement, arriver au palais avec les menottes, ce n’est pas quelque chose d’anodin. Ca dure en moyenne 10 à 15 jours, les gens doivent prévenir leur famille, leur employeur. Ils risquent parfois de perdre leur boulot à cause du délai. C’est un stress énorme». Et un sacré gaspillage.

Selon la Cimade, «l’impératif des statistiques» a désormais pris le pas sur toute autre considération. «Ce qui compte, c’est de pouvoir mettre la petite croix». Quitte à renvoyer chez eux manu militari, des étrangers qui n’avaient rien demandé. Et qui s’apprêtaient à rentrer.

Laure Espieu

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